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BP 2015 – Développement économique et emploi – Agriculture et forêt

Séance plénière du 18 décembre 2015

Budget prévisionnel "Développement économique et emploi" et "agriculture et forêt"

Intervention d’Antoine WAECHTER

Monsieur le Président, chers collègues,

Il est d’usage, en s’approchant de la fin de la mandature, de procéder à un bilan. Nous avons consacré un peu moins d’une centaine de millions d’euros en 5 ans au développement économique. C’est relativement un petit budget. Le taux de chômage, l’année de notre installation, en 2010, était de 9% ; il est encore de 9% en cette fin d’année 2014. L’indice mesurant l’évolution du nombre d’emplois était de 109 : il est toujours de 109 en 2014 (rappelons qu’il était de 113 en 2001).

Question existentielle, déjà posée l’année dernière : la situation serait-elle différente en l’absence de l’investissement régional ? Nos interventions concernent un tout petit nombre d’entreprises et d’emplois créés, au regard des  114 000 embauches cette année et des 141 380 demandeurs d’emploi. L’intervention régionale n’est pas loin d’avoir l’impact d’une goutte d’eau tombant dans le grand canal d’Alsace.

Mon intention n’est pas de saper le moral de cette assemblée, mais de démontrer que nous ne prendrions aucun risque à expérimenter de nouveaux paradigmes, en s’éloignant des interventions convenues, puisque nous n’avons aucune influence sur la courbe du chômage par ce biais.

La stratégie qui nous est proposée consiste à donner des conseils et à former les entrepreneurs, à couver, à subventionner, à prêter, à garantir les entreprises, à promouvoir l’Alsace et à prendre les chefs d’entreprises par la main pour les emmener à l’étranger. Soit. Avec deux mots d’ordre : la compétitivité, la croissance ; un horizon : l’international, et un nouveau concept, l’usine du futur.

La croissance est en panne parce que les marchés sont saturés et que les consommateurs, même stimulés par la publicité, même piégés par l’obsolescence programmée des objets, même conditionnés par la mode, ne peuvent accumuler plus de deux voitures par ménage ou occuper plus d’une résidence principale. La croissance est dans les régions émergentes du monde qui ne sont pas encore équipées. Pour pénétrer ces marchés, il faut produire mieux et moins cher, être compétitif en d’autres termes. Or, les gains de productivité nécessaires pour cette conquête des marchés émergents vident la croissance de ses promesses d’emplois.

La Région est ainsi impuissante lorsqu’elle prétend modifier l’environnement économique par ses subventions. Par contre, elle peut et doit trouver son utilité en stimulant et en accompagnant la naissance d’une nouvelle économie, qui n’attend rien de la croissance, qui réduit la distance entre le producteur et le consommateur, qui invente le produit durable réparable à l’infini. Les seules nouveautés identifiables dans ce budget dédié à l’économie résident dans la méthode, l’appel à projet, et dans un concept, l’usine du futur.

L’appel à projet ou à manifestation d’intérêt, dans quelque domaine que ce soit, reconnaît que les inventeurs du monde de demain se trouvent parmi nos concitoyens. Cet appel à la créativité publique est une exploration du champ du possible et une manière de recruter les artisans du futur. Nous adhérons à cette démarche.

Par contre, le concept d’usine du futur est plus flou. A aucun moment n’en est donnée une grille de lecture. Mais, nous n’appliquons probablement pas le même cahier des charges.

L’économie du futur sera avare en émissions de gaz à effet de serre, économe en énergie, en matières premières et en foncier, respectueuse de la nature et des paysages. Elle privilégiera la satisfaction des besoins de proximité. Elle produira des objets suffisamment résistants et conviviaux, au sens d’Illich, pour être entretenus et réparés durablement. En fin de vie, les constituants de ces objets seront recyclés pour donner de nouveaux objets. C’est ce qu’on appelle l’économie circulaire. Les services d’entretien et de réparation ne peuvent pas être délocalisés, de sorte que cette économie se déploiera sur un territoire plus modeste que le Monde. Cette économie de la proximité ne refuse pas pour autant les échanges avec les producteurs lointains, mais elle réduit sa dépendance à l’extérieur.

Elle redonne à l’objet une valeur que la société du jetable a fait oublier et elle rétablit un lien social entre le producteur et le consommateur. Elle construit une économie de la proximité, ajustable aux besoins.

C’est dans ce sens que nous souhaitons voir évoluer la politique économique de la Région, dans le sens de l’expérimentation et de l’innovation socio-économique.

Petit incident. Le débat sur le travail du dimanche illustre bien la dérive de notre modèle économique et des illusions qui l’accompagnent, bien loin de notre conception. Pour conforter un peu plus les grands commerces, en s’appuyant sur des consommateurs qui s’ennuient les jours fériés, le Gouvernement s’apprête à enfreindre un peu plus l’injonction du 7e jour. Paradoxale conséquence de la conquête du temps libre. Nous disons non à cette dérive qui achèvera de vider les centres bourgs de leurs commerces et qui pénalisera la vie associative, sans aucun impact sur l’activité globale, le périmètre de la consommation n’étant pas extensible.

En d’autres termes et pour conclure sur ce point, nous proposons d’utiliser différemment les crédits de cette politique.

S’agissant des orientations stratégiques pour l’agriculture alsacienne, en particulier en ce qu’elles visent à réduire l’impact sur les ressources naturelles, à développer les méthodes biologiques de production, à tendre vers une autonomie énergétique et alimentaire, à permettre la viabilité économique des exploitations, à contractualiser l’agriculture de montagne. Ces orientations ont notre adhésion. Le paysan est un élément essentiel des écosystèmes ruraux et ces derniers couvrent 40% du territoire régional.

Cette démarche doit être poursuivie mais nous demandons de mettre un peu plus l’accent sur trois orientations :

·           tout d’abord le développement des circuits courts. Cet objectif suppose de diversifier la production pour alimenter le marché régional, de faire en sorte que les cantines publiques couvrent leurs besoins à 70% par les productions locales, au besoin par une aide adaptée de notre part, de convaincre les grandes surfaces commerciales de s’approvisionner auprès des producteurs régionaux, de disposer d’outils de collecte capables de répondre à la demande, voire de créer des unités de transformation des produits ; le rapprochement géographique du producteur et du consommateur est bon pour la planète, pour le producteur qui écoule ses productions à meilleur prix, et pour la relation qui s’établit entre le paysan et le citoyen ;

·           2ème orientation à accentuer, la protection des terres agricoles : vous vous êtes engagé, Monsieur le Président, à réduire de moitié la consommation foncière : où en sommes-nous ? ; je renouvelle ma demande de disposer chaque année d’un bilan dans ce domaine ;

·           et enfin 3ème orientation, la formation aux enjeux environnementaux, qui ne doit pas se limiter aux viticulteurs et aux arboriculteurs familiaux. Elle doit s’étendre à l’ensemble des agriculteurs, d’autant plus que nous avons d’une certaine manière une influence sur ce qui se passe dans les lycées agricoles.

Nous validons de même la volonté d’adapter les pratiques forestières aux enjeux environnementaux et sociétaux. Les parcelles privées inexploitées depuis des décennies sont parfois de véritables trésors écologiques : leur intégration dans des unités plus grandes pour les ouvrir à l’exploitation contredit parfois la volonté première. Nous suggérons par conséquent la vigilance dans ce domaine.

Notre inquiétude aujourd’hui concernerait plutôt la forêt publique, menacée à terme par les difficultés de l’Office National des Forêts. La forêt est le principal noyau de biodiversité de la France : le rendement financier ne peut en devenir le principal critère de gestion. Nous demandons de retrouver un service public de la forêt, assurant sa protection et encadrant sa gestion. Je souhaite que notre assemblée s’exprime sur ce sujet, qui concerne de nombreuses communes alsaciennes et un tiers de notre territoire.

Merci.