« C’est l’état d’esprit résolument novateur de l’Alsace qui permettra peut-être qu’on lui accorde sa chance »
Séance plénière du 22 septembre 2014
Intervention de Jacques Fernique sur la délibération pour la création d'une "Collectivité territoriale unique" d'Alsace
Monsieur le Président, chers collègues,
Andrée BUCHMANN et Jean-Marc RIEBEL vous diront tout à l’heure deux motivations fortes de l’engagement des écologistes. Pour ma part, je vais concentrer mon intervention sur la nécessité particulière pour nous, Conseil Régional, de ne pas nous borner à dire aujourd’hui simplement la même chose que nos deux Conseils généraux. Les régionalistes que nous sommes ici se doivent d’être moteur pour assurer effectivement la réussite de notre ambition régionale : ici, encore moins qu’ailleurs, pas question de se cantonner dans une posture protestataire de principe. Un vote en première lecture de l’Assemblée nationale ça n’est pas définitif, ça n’est pas le Traité de Francfort ! Non, la Région ne se drape pas dans la protestation, elle est dans le mouvement, elle construit parce qu’elle veut des résultats.
Nous construisons, mais notre démarche, il faut qu’on en prenne bien les uns et les autres conscience, est aussi complètement différente de celle qui était la nôtre il y a 2 ans.
Aujourd’hui ce que nous tentons d’obtenir du Parlement et du gouvernement c’est une inflexion significative qui enlèverait l’Alsace du périmètre prévu avec Champagne-Ardenne et la Lorraine.
Cette inflexion nous en avons envie, mais il va surtout falloir en donner envie à la majorité parlementaire et au gouvernement. Et cela, on ne peut y arriver, que si nous y mettons beaucoup de bonne volonté, du réalisme, que si en clair nous nous inscrivons en phase avec la réforme.
Parce qu’une Alsace du statu quo, une Alsace conservatrice, une Alsace immobile ne mériterait aucune chance. L’Alsace peut intéresser au plan national si elle se montre pionnière de la décentralisation, volontaire pour anticiper la fin des Conseils Généraux, partante pour avancer sur les compétences nouvelles et la capacité règlementaire et motivée à des avancées conséquentes pour la coopération transfrontalière.
C’est cet état d’esprit volontaire qui démentira ceux qui répètent en boucle que l’Alsace ce serait le repli identitaire. C’est l’état d’esprit résolument novateur de l’Alsace qui permettra peut-être qu’on lui accorde sa chance.
Alors, pour la méthode : pas d’invective, pas de slogans excessifs, pas de caricatures et pas de pancartes véhémentes idiotes : le pragmatisme et l’humanisme rhénan, l’esprit de dialogue alsacien c’est ça notre atout. Clairement, le style Alsace d’Abord et Cigogne en fureur n’obtiendra aucun résultat au Palais Bourbon. La délibération que nous allons voter n’est pas chargée de connotations archaïques : l’ambition transfrontalière est dite, l’ouverture est souhaitée par le droit d’option de départements proches. La délibération d’aujourd’hui a le ton juste, elle est équilibrée, alors, maintenons cet équilibre.
Sur le fond, notre délibération ne charge pas la barque. Le message se doit en effet d’être clair : non, nous ne repassons pas le plat qui n’est pas passé. Non, au contraire nous révisons, en le simplifiant nettement, le projet de Conseil Unique et nous l’appuyons cette fois sur le refus populaire d’une dilution du fait régional dans un périmètre impalpable de Saint Louis à Nogent sur Seine. Et nous lui ouvrons de nouveaux horizons. L’essentiel est en jeu, alors nous allons à l’essentiel : les complexités, les schémas illisibles, les ambiguïtés, les double-langages, les surenchères de négociation, les prétentions narcissiques de chacun, les capitales régionales multiples : maintenant, on dégage. On dégage tout cela et on le dit : chacun doit comprendre que nous avons compris le message des urnes du 7 avril.
Notre motion ne s’égare pas en circonvolutions : notre vœu est bien la création, je cite, « en Alsace dès le prochain renouvellement des assemblées, d’une collectivité territoriale unique issue des actuels Départements ainsi que de la Région et dotée d’une capitale régionale : l’Eurométropole de Strasbourg ». On aurait bien voulu une telle clarté dès 2012… !
En ce qui concerne l’élection de ce Conseil d’Alsace, les modes et la ou les dates de scrutin, nous savons qu’il faudra encore travailler, et sans perdre de temps. Si nous obtenons cette Collectivité unique, il nous faudra un calendrier particulier. Notre motion en parle, elle demande que les Conseillers des territoires d’Alsace soient élus aux mêmes dates que les Conseillers régionaux. En clair, prolonger le mandat des Conseillers généraux actuels pour procéder à l’élection du Conseil Unique en décembre 2015, et non en mars puis en décembre : c’est ce qui est prévu par exemple dans la loi qui est déjà passée en première lecture à l’Assemblée pour la nouvelle Collectivité Unique de Martinique et personne ne le remet en cause.
Sur les modes de scrutin à combiner, notre motion ne tranche pas de modalités précises : elle affiche sa volonté d’un équilibre entre la représentation spécifique des territoires par des candidats individuels et la représentation régionale par scrutin de liste régional.
Je ne sais pas si les écologistes là-dessus obtiendront ce qu’ils souhaitent et s’ils l’obtiendront dès maintenant. Ce que je sais c’est que nous sommes tous ici des élus de la proportionnelle par listes à 2 tours avec prime majoritaire : et nous savons tous ici la plus-value politique de ce mode d’élection. Parce que l’addition de petits élus de petits territoires ne suffit pas à faire une volonté régionale. Il y a encore du boulot pour convaincre là-dessus celles et ceux qui voudraient d’une certaine façon prolonger leurs Conseils généraux.
La délibération d’aujourd’hui est le résultat d’un travail collectif fructueux qui a été mené le 13 septembre à Colmar ; les écologistes y ont pris leur part. Peut-on encore y intégrer maintenant ce qui n’avait pas été proposé alors, c’est-à-dire l’amendement socialiste qui consiste à émettre un premier vœu qui serait l’Alsace-Lorraine avant un 2ème vœu par défaut qui serait la Collectivité Unique d’Alsace ? Nous l’avons dit ici en mai-juin, la perspective Alsace-Lorraine aurait du sens, il ne serait pas impossible de co-construire progressivement sur cette base une identité nouvelle permettant de se projeter ensemble dans l’avenir. Car une vraie région c’est d’abord cela, l’envie de se projeter ensemble vers l’avenir, et non une logique technocratique.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous ne voulons pas d’une fusion avec Champagne-Ardenne : un assemblage impalpable ne pourrait pas devenir le périmètre d’un dessein partagé.
Aujourd’hui, il s’agit avant tout de sortir de l’inacceptable, il ne s’agit plus de dire nos préférences particulières en ordonnançant des vœux comme sur un dossier d’orientation scolaire. Non, il nous faut agir en cohésion au-delà des clivages, parler clair pour être entendu, pour que l’Alsace soit gagnante et que la décentralisation avance, alors oui cette délibération, nous la votons !
Ce 22 septembre, la parole est aux 3 Assemblées d’Alsace. Il y a séparation de lieux, mais unité de temps, et surtout unité d’action. Cette parole va être concordante, concordante par les mots de notre motion. Cette parole par la façon dont elle sera répercutée, je la souhaite claire pour que nos concitoyens s’y reconnaissent. Cette parole sera plus forte si elle est partagée par delà les différences politiques. Mais surtout, ça ne doit pas être, ça ne sera pas, une parole vaine d’un jour, mais une parole pour construire, une parole qui engage un dialogue ouvert avec les responsables et les représentants de la Nation. Concordante, partagée, claire, ouverte et surtout constructive : voilà ce que sera notre parole, car si elle ne l’était pas, elle serait inaudible.
Cette délibération a été votée par 38 oui au conseil régional dont l'ensemble du groupe europe écologie Alsace. elle était au vote parallèlement dans les deux conseils généraux.
Plus d'informations sur le vote de la délibération sur le site des DNA.