BP 2012 : lycées et apprentissage
Séance plénière des 15 et 16 décembre 2011
BP 2012 : lycées et apprentissage
Intervention de Jacques Fernique
Monsieur le Président, Mme la Vice-Présidente, chers collègues
L’an dernier notre vote négatif sur le budget de la formation initiale était un appel au ressaisissement politique pour replacer les lycées au cœur de la volonté régionale. Cette année si nous savons apprécier la prise en compte de certaines de nos propositions, nous restons néanmoins consternés par le déficit de volonté transformatrice, par l’effacement politique brutal qu’ont subi les lycées dans ce nouveau mandat régional. Rien qu’à constater la minceur du document de présentation du budget des lycées comparée aux autres budgets et surtout aux années précédentes, on se dit que décidément ce n’est plus du dégraissage, c’est carrément la diète politique. Bien sûr, ce qui compte ce n’est pas le nombre de pages, ce sont les sommes sonnantes et trébuchantes et la qualité du service public : là aussi un net resserrement par rapport aux années 2009-2010 : il est clair que l’investissement pour les lycées s’est particulièrement resserré cette année.
Il y a nettement une rupture et vous l’assumez sans vergogne dans votre document : depuis 20 ans la politique régionale a su maintenir à un niveau très élevé les investissements (on a atteint les 86 millions d’euros pour les crédits d’investissement mandatés pour les lycées publics), cette époque est à présent derrière nous puisque la règle d’airain serait dorénavant un plafond de 40 millions, 38 millions et demi cette année pour les lycées publics. Alors, certes les 2/3 de nos établissements sont à présent aux normes, ils ont profité de nos efforts considérables de rénovation, de construction ; ils présentent de bonnes conditions d’accueil, des équipements fonctionnels, des espaces conviviaux et adaptés. Très bien, mais le tiers restant ne mérite-t-il pas la même attention, le même effort, le même rythme soutenu de réalisation ? Certes, des synergies, des mutualisations, des mixages et des phasages ont été, sont et seront nécessaires, mais en aucun cas au détriment de la qualité et de l’adaptation aux besoins pédagogiques. Cette réduction claire et durable des moyens d’investissement nous le fait craindre.
Oui, les crédits de fonctionnement progressent, +4,9% cette année : certes, mais je ne suis pas sûr que l’inflation de nos dépenses de viabilisation, de chauffage soient l’indicateur de l’amélioration du service public rendu. Nous commençons à voir des résultats à nos efforts de réhabilitation thermique, de modernisation des modes de chauffage, de changement de comportements des élèves et des personnels dans leur usage des locaux, pour autant l’essentiel du chantier reste à conduire.
Car il s’agit bien de la conduire cette politique, et même si pour une part elle a été confiée à un partenaire privé avec les Contrats de Performance Energétique pour 18 ans pour 14 de nos lycées : c’est justement dans une telle démarche contractuelle que la Région ne doit en rien relâcher son pilotage et ses exigences. La qualité du service public et la nécessité d’associer les équipes éducatives, le personnel TOS et les lycéens oblige la Région à travailler étroitement avec Cofely-GDF/Suez pour que nous puissions être en mesure d’apprécier des résultats concluants.
Pour les autres lycées, nous relevons les efforts de réhabilitation thermique, de traçabilité de la gestion des énergies, d’usage des renouvelables et de mise en grappe pour les achats et la maintenance des chaufferies bois. Pour autant nous sommes circonspects et réservés sur certaines réalisations et projets : la pompe à chaleur profonde du lycée Couffignal ne pompe-t-elle pas surtout les crédits de fonctionnement ? Nous espérons que les études d’opportunité d’éoliennes sur les toitures de quelques lycées nous permettront de ne les installer que si le bilan énergétique attendu s’avère effectivement intéressant.
Nous avons apprécié, j’y ai fait allusion, la prise en compte de nos propositions : intéressement aux économies d’énergie, relèvement global de la prime régionale de scolarité en réduisant un peu son impact négatif à l’égard du professionnel, du technologique et du post-bac (il faudra y revenir), rattrapage des crédits d’animation de la vie lycéenne pour les établissements qui perdent le plus du fait du nouveau système plus équitable.
Nous sommes par contre abasourdis en apprenant que 3 associations piliers du Mois de l’Autre en seraient dorénavant écartés. La thématique de l’homophobie (homophobie qui crée tant de souffrance parmi les adolescents) cette thématique serait donc purement et simplement zappée, alors que la commission formation initiale jadis avait obtenu en dépit des peurs et des tabous qu’elle soit intégrée dès la 2ème édition de cette belle initiative régionale d’ouverture à l’altérité et de refus des replis ? La question grave de la prostitution disparaîtrait également ? Et puis, ce serait aussi les pionniers du théâtre-forum, une démarche participative, citoyenne, implicante qui nécessite un vrai professionnalisme qui deviendraient personna non grata au mois de l’Autre ? Ce n’est pas possible, Monsieur le Président, le Mois de l’Autre doit rester une démarche ouverte, qui prend des risques, qui bouscule les préjugés : n’en faisons surtout pas une institution normalisée voire pudibonde.
Nous nous abstiendrons donc pour le budget des lycées qui mériterait bien plus de détermination politique régional à notre avis.
APPRENTISSAGE
Pour notre cœur de compétences, l'apprentissage, les efforts là ne se relâchent pas.
Mon inquiétude cependant porte moins sur la capacité de nos CFA, de nos artisans et de nos entreprises à former 20 000 jeunes en 2015 que sur l’insertion de ces jeunes dans la vie professionnelle, une fois diplômés. Il y a quelques années les ¾ d’entre eux après leur apprentissage trouvaient effectivement un emploi solide, aujourd’hui c’est près de 40% d’entre eux qui n’y arrivent plus alors qu’ils ont réussi leur apprentissage. Certes la conjoncture est difficile, mais il nous faut agir fortement auprès des professionnels pour que l’apprentissage soit d’abord le moyen d’embaucher des jeunes bien formés et non l’aubaine de conditions d’alternance temporaire qui permettent de fonctionner avec un personnel précaire renouvelable à souhait. Nous devons donc garder les yeux rivés sur les indicateurs d’insertion en sortie d’apprentissage : si nous n’arrivons pas à enrayer cette dégradation continue, ce serait un très lourd échec de notre politique régionale de formation professionnelle.
C’est pourquoi, nous sommes attachés à un partenariat exigeant avec les entreprises formatrices assurant un tutorat de qualité pour les apprentis. L’Alsace par la Chambre des Métiers notamment est en avance sur le tutorat : raison de plus pour être fortement exigeant et réduire les mauvaises pratiques. Les taux de rupture sont encore inadmissibles dans certains métiers. Il faudra trouver moyen d’éviter ces situations extrêmes où le nombre de stagiaires et d’apprentis en formation est majoritaire parmi le personnel, indicateur de conditions de formation évidemment déficientes.
Le COMAA nous fixe un objectif chiffré, il s’agit de formation, d’insertion : à nous de démontrer que ce n’est pas une politique du chiffre, et que le système d'apprentissage alsacien est performant pour l'insertion de ses jeunes.
Nous sommes donc tout à fait favorables aux propositions d'aménagement, de souplesse, tels la « deuxième rentrée en CFA » pour les formations post-bac notamment. De même nous souhaiterions un retour sur l'accueil expérimental en CFA de jeunes encore en recherche de contrat d'apprentissage, dispositif instauré pour la première fois en 2011. La formule suggérée du mixage des formations nous semble particulièrement intéressant.
La qualité pédagogique des DIMA est indéniable pour l’accès de jeunes collégiens très motivés à l’apprentissage ; les dispositifs qui devraient assurer la même fonction pour les publics plus âgés des missions locales doivent relever de la même excellence pédagogique. Et là c’est loin d’être gagné.
L’accompagnement des apprentis handicapés avec l’appui du réseau SARAH est une belle réussite régionale qui profite à plus de 300 jeunes. L’AGEFIPH a fragilisé le dispositif l’an dernier et la Région a dû suppléer : quelles sont les perspectives sur cette question ? L’intégration des apprentis handicapés pourra-t-elle se poursuivre durablement dans de bonnes conditions ?
L’apprentissage transfrontalier enfin est une très belle idée : elle n’est pas évidente pour autant à réaliser notamment pour les premiers niveaux de qualification (il n’y a qu’un seul apprenti côté français dans la région de Strasbourg). Un travail de concertation, d’échange avec ses acteurs et notamment les quelques apprentis qui ont vécu cette expérience nous permettra sans doute de mieux cibler leurs besoins et de cerner les difficultés qu’ils rencontrent dans ce dispositif prometteur qui ne doit pas être abandonné.
Vous l’avez donc compris : nous voterons pour le budget de l’apprentissage.